1. Accueil
  2. Toutes les actualités agricoles
  3. Les dérobées estivales, panacée ou utopie ?
les couverts végétaux

Les dérobées estivales, panacée ou utopie ?

Les dérobées estivales

Face aux canicules répétées et au manque d’eau récurrent, les éleveurs voient leur système fourrager mis à mal. Les dérobées estivales, et en particulier les nouvelles espèces venues du Sud, plus tolérantes aux fortes températures et au stress hydrique peuvent faire partie de la solution. Le point avec Arvalis.

Sommaire

  • Quelles espèces implanter : un choix cornélien

  • Des rendements aléatoires

  • Les espèces fourragères exotiques

  • Jusqu’à 7tMS/ha

Des étés secs et chauds, les éleveurs en font les frais ces dernières années. Surtout dans les régions allant du Nord-Ouest au Centre-Est et dans le Sud-Ouest. « La pousse d’été et d’automne est quasi nulle sur ces régions, le déficit est chronique depuis 3 à 5 ans« , rappelle Didier Deleau, ingénieur Arvalis. A défaut de faire la pluie et le beau temps, les éleveurs peuvent-ils compter sur les dérobées estivales pour pallier le déficit fourrage ? On parle ici d’interculture courte d’une durée de végétation inférieure à 100 jours, qui sera exploitée avant le semis des céréales d’hiver. Objectif ? Produire un maximum de biomasse en un temps limité.

Quelles espèces implanter en dérobées estivales : un choix cornélien

Comme dans le cas d’implantation de couverts hivernaux utiles, choisir les espèces à implanter en dérobées estivales relève d’une multitude de critères. Un vrai casse-tête ! Arvalis-institut du végétal propose des pistes.

• La rotation. On évite les graminées dans une rotation comprenant plus de 50% de céréales, les crucifères s’il y a du colza, les lentilles et pois dans une rotation avec protéagineux.

• La date de semis. Les légumineuses ont un fort besoin de lumière. Dans la zone nord, elles devront être semées avant mi-août (jusqu’au 1er septembre au sud) surtout si les graines sont petites. Les grosses graines (lentilles, féverole, pois, vesce) pourront être implantées jusque fin août début septembre. Les crucifères et graminées offrent plus de latitude. Le sorgho multi-coupe et le moha seront toutefois semés au plus tard fin juillet. « Ils ont un fort besoin de température pour produire une biomasse satisfaisante. » A l’inverse, les colza fourrager, chou, navette, avoine sont adaptées au semis tardif jusque fin août.

• Les conditions climatiques au semis. Peu sensibles aux fortes chaleurs, les crucifères ont une vitesse de germination rapide. Les légumineuses sont plus lentes à germer, surtout en cas de températures élevées et d’épisode sec. Les graminées sont les moins sensibles aux conditions sèches pour germer. Dans tous les cas, « viser une date de semis au plus près de la récolte du précédent améliore les chances de réussite », précise Didier Deleau. La graine bénéficie de la fraîcheur du lit de semences. Cela dit, le mieux est de semer au plus près d’une pluie, soit juste avant ou après. L’idéal étant d’avoir 15 à 20 mm pour assurer une levée régulière et homogène.

• La résistance en végétation. Les crucifères (colza, chou, navette) et le trèfle d’Alexandrie tolèrent plutôt bien les fortes températures mais moyennement le déficit hydrique. L’avoine fourragère, le millet perlé et le trèfle incarnat sont modestement tolérantes au chaud et au sec. Les valeurs sûres, à la fois résistantes à la chaleur et au sec sont le sorgho multicoupe et le moha.

• La valorisation. Les légumineuses peuvent être pâturées ou fauchées, tout comme les graminées. Les crucifères sont principalement exploitées en pâturage. Attention au sorgho fourrager qu’il faudra faire pâturer au-delà de 60 cm pour éviter les intoxications liées à l’urine.

• Le coût des semences entre dans le calcul. Comptez 20 € au minimum pour des crucifères jusqu’à 100 € et plus pour des légumineuses.

Dérobées fourragère estivales
Les valeurs sûres des dérobées fourragères estivales

Les rendements aléatoires des dérobées d’été

Difficile de donner des chiffres tant il y a d’espèces et de conditions de culture variées. Mais globalement, il ressort des synthèses d’essais Arvalis un rendement très correct pour les crucifères (2 à 4 tMS/ha), surtout les radis fourragers et chinois, suivis des moutardes blanche et brune. Les céréales estivales se défendent, les rendements allant de 1,5 tMS/ha pour l’avoine rude à 5 tMS/ha pour le moha et le millet perlé. En fin de classement, arrivent les légumineuses, lentilles, pois fourrager, féverole, trèfle incarnat et de Perse (1,5 à 3 tMS/ha) et les vesces et trèfle d’Alexandrie (1 à 3 tMS/ha). Les légumineuses, plutôt décevantes en pur, présentent de meilleurs rendements en mélange avec des graminées (2,5 tMS/ha).

Question valeurs alimentaires, les légumineuses présentent sans surprise les plus hautes teneurs de MAT, et pour certaines (trèfle incarnat, vesce commune d’hiver) des valeurs énergétiques intéressantes. À l’opposé, les millets et moha ont de faibles valeurs pour les deux critères. À mi-chemin, les colzas, avoines et RGI exploités avant floraison/épiaison, offrent un bon équilibre UF/PDI. « Les associations RGI colza, RGI TI fournissent des fourrages d’excellente qualité. »

Les valeurs alimentaires des dérobées fourragères

Les espèces fourragères exotiques

Et que penser des nouvelles espèces réputées résistantes aux températures élevées et à la sécheresse estivale ? Certaines proviennent d’Afrique : teff grass, blé égyptien, lablab (ou rongaï), cowpea (ou niébé). La ferme expérimentale des Bordes d’Arvalis les a testées pendant deux ans, derrière une prairie. Sept espèces (millet, moha, sorgho multi-coupes Piper, cowpea, lablab, trèfle de Perse et d’Alexandrie) ont été semées en pur et en mélange, mi juin en 2019. Cinq espèces ont été ajoutées en 2020 (un maïs comme repère, teff grass, blé égyptien, sorgho multi-coupes BMR Octane, trèfle vésiculé) pour un semis fin mai. La quasi-absence de pluies du semis jusque fin août en 2019 et les deux pics de chaleur dans le mois suivant le semis ont pénalisé les dérobées estivales. « Les meilleures modalités sont le sorgho et le millet perlé, associés ou non au lablab et cowpea, qui atteignent 2,5 à 3 tMS/ha« , présente Elodie Roget, ingénieur Arvalis. Dans tous les cas, le premier cycle de production a fourni 90 à 95 % de la production. « Il n’y a que très peu de repousses. »

Jusqu’à 7tMS/ha

L’année 2020, moins chaude et plus arrosée, a conduit à de belles productions fourragères, jusqu’à 7 tMS/ha. Les maïs, maïs lablab, et blé égyptien se placent en haut de podium, malgré une coupe unique. Les deux cycles des sorghos permettent une belle production (5 à 7 tMS/ha) suivi du millet perlé et du moha (5 tMS/ha). Le teff grass en trois cycles ressort aussi à plus de 5 tMS/ha. Les autres associations de millet, moha et sorgho avec légumineuses s’en sortent bien dans la zone la plus séchante de la parcelle (autour de 4 tMS/ha), même si les légumineuses ne pèsent quasiment rien dans la balance. Ces plateformes ont été pâturées par des génisses au cours de la première quinzaine d’août. Résultat, « les sorghos, les trèfles et le teff grass sont consommés dans les premiers jours sans souci. Le moha et le cowpea sont un peu moins pâturés mais restent appréciés. Quant au lablab et millet perlé, les animaux y vont quand ils n’ont plus que ça ». Attention au gaspillage de sorgho quand le stade est trop proche de l’épiaison, et à l’arrachage de pied du teff grass et du millet perlé que les animaux piétinement. Ces résultats rejoignent ceux des essais réalisés en Nouvelle Aquitaine, région très avancée sur le sujet.

Source Arvalis


Les informations généralistes contenues dans cet article ne sauraient remplacer un diagnostic personnalisé des parcelles.

Partager la page