Depuis dix ans, la filière méthanisation connaît un essor très important. Sur le territoire français, on recense en 2022 plus de 1300 unités, contre seulement une centaine en 2012.
Ce développement récent n’est pas sans conséquences, notamment pour le secteur agricole.
Nourrir le méthaniseur = pertes potentielles de productivité
Mêmes si les matières premières incorporées dans les unités de méthanisation sont diverses, nous retrouvons régulièrement :
Des effluents d’élevage : fumiers et lisiers
Des végétaux : couverts végétaux et céréales
Les fumiers et lisiers sont traditionnellement restitués au sol. Ils constituent la principale source de matière organique (éléments fertilisants, carbone, vie du sol, structure) qui assure le bon fonctionnement agronomique du sol. En étant désormais incorporés dans le méthaniseur, les sols ne bénéficient plus de ces apports et s’appauvrissent.
Les végétaux produits dans le but de nourrir le méthaniseur sont souvent des productions additionnelles. Prenons un exemple : un couvert végétal qui était historiquement détruit et enfoui pour enrichir le sol en matière organique est désormais exporté. Le sol est ainsi plus sollicité, ce qui génère une augmentation de l’acidité et une diminution des réserves du sol en éléments fertilisants.
Nourrir le méthaniseur peut entrainer au niveau des sols :
Une perte de carbone, le sol devient moins résilient vis-à-vis des stress extérieurs
Une perte d’éléments fertilisants
Une dégradation du statut acido-basique
Ces 3 éléments peuvent conduire à une baisse de la productivité.
Nourrir le sol avec le digestat = Oui, mais quelques précautions d’usage sont nécessaires.
A la fin du processus de fabrication du gaz et/ou de l’électricité, nous retrouvons le digestat. C’est un produit totalement décarbonaté (le carbone sert à la fabrication du méthane : CH4), mais qui peut être une source intéressante d’éléments fertilisants.
Intéressons-nous spécifiquement au N. Les azotes du digestat sont principalement sous formes organique et ammoniacale (NH4+). Pour que ces azotes soient assimilables par les plantes, elles vont devoir se transformer en forme nitrique (NO3-). C’est l’étape de NITRIFICATION.
La nitrification :
Lors de cette transformation, les azotes vont libérer une quantité importante de H+ et donc participer à l’acidification rapide des sols en surface. Avec tout ce que cela implique :
Baisse de l’activité biologique
Baisse de l’efficience des engrais
Dégradation des conditions de germination des semences
Augmentation de la battance
Augmentation de la toxicité aluminique si le pH atteint un niveau < à 5
Et BAISSE DE LA PRODUCTIVITE !
De plus, les unités d’azotes annoncées dans les digestats ne sont pas toujours celles disponibles pour les plantes. En effet la forme ammoniacale (NH4+) est très sensible à la volatilisation notamment si les conditions d’épandage sont mauvaises : températures élevées, vent, absence de pluies dans les 24h suivant l’épandage, non enfouissement et sol tassé et nu. Au-delà de la perte d’azote, c’est aussi la pollution de l’air qu’il faut considérer à long temps.
En conclusion, la mise en place d’une unité de méthanisation peut être tout à fait intéressante si et seulement si quelques règles d’or sont respectées :
gestion du carbone dans le sol pour maintenir le potentiel de production des sols
apport d’amendement pour tamponner l’acidification des sols et garantir la bonne nutrition des plantes
limiter la perte d’azote par volatilisation, pour éviter la pollution de l’air et profiter pleinement des unités d’azote pour les cibles initiales : productivité et qualité.
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