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L’agroforesterie, c’est de l’intensification écologique

Yann Pivain Yann Pivain : « entre les arbres, un couvert doit être implanté sur une bande de 2 mètres de large au minimum. L’objectif est de couvrir le sol 365 jours par an ».

Yann Pivain est chargé de mission agroforesterie et biodiversité à la Chambre d’agriculture de Normandie. A quelle densité planter les arbres ? Quelles variétés choisir ? Quelle perte de rendement ? quelle rentabilité de cette technique ? Retrouvez toutes les réponses de cet expert de l’agroforesterie.

Comment définissez-vous l’agroforesterie ?

Le principe, c’est que sur une même surface, j’assure la production de différents produits : du bois et des cultures. En couplant les cycles végétatifs de l’arbre et ceux de la culture, vous avez 365 jours par an d’utilisation de la lumière et de la ressource en eau pour la production de biomasse. Quand les arbres s’arrêtent, les céréales prennent le relais. C’est de l’intensification écologique. Les feuilles des arbres apportent aussi de la matière organique. La vie biologique du sol y est importante. L’agroforesterie rend de nombreux services écosystémiques, même si nous ne savons pas encore le chiffrer : stockage de carbone dans le sol ou amélioration de la qualité de l’eau.

Et juridiquement, quels critères réglementent une parcelle d’agroforesterie ?

La densité et la finalité des arbres sont les deux critères. Entre 30 et 100 arbres par hectare, c’est une parcelle agroforestière qui reste sous le statut agricole. Entre 100 et 200, les densités s’apparentent à du verger. Au-delà de 200 arbres, il s’agit d’un verger si les plantations sont constituées d’arbres fruitiers. Dans le cas contraire, la terre devient forestière. Dans ce dernier cas, la parcelle n’entre plus dans la déclaration PAC et le régime d’impôt foncier change.

Pouvez-vous dresser un état des lieux de l’agroforesterie en France. Quelles surfaces sont concernées ?

Un état des lieux a été réalisé en 2015. On compte entre 150 000 et 200 000 hectares de systèmes traditionnels, à savoir les prés-vergers. L’agroforesterie moderne, avec des projets forestiers intra-parcellaires de nouvelle génération, couvre plus de 2500 hectares.

La recherche de SIE motive-t-elle certains agriculteurs à planter ?

Dans l’état actuel de la PAC, un hectare d’agroforesterie équivaut à un hectare de SIE (Surface d’intérêt écologique). Quand la réglementation portait sur des « surfaces équivalent topographique » (SET), certains agriculteurs ont pu être motivés par l’agroforesterie. Mais depuis, les critères ont évolué. Pour 100 mètres de haie, on a eu l’équivalent d’un hectare de SET. Aujourd’hui, cela équivaut tout juste à 700 m2 de SIE. Désormais, la recherche de SIE n’est pas la première motivation pour se lancer. Choisir l’agroforesterie pour répondre à un objectif PAC n’est pas le meilleur des paris. D’autant que l’on ne connait pas les évolutions réglementaires futures. Il vaut mieux travailler avec des cultures annuelles pour respecter les SIE.

Comment un agriculteur définit-il la densité de ses plantations pour sa parcelle ?

En grandes cultures, on tourne généralement entre 30 et 50 arbres par hectares. La densité choisie dépend des objectifs de l’agriculteur. Est-ce que je privilégie la production de bois d’œuvre ? Est-ce que je veux de la biodiversité et accueillir des auxiliaires pour les cultures ? Où l’agriculteur place-t-il le curseur pour avoir une relation arbre-culture équilibrée ? La chute de rendement varie selon la densité de plantation. Il faut se projeter dans 20 ou 30 ans. Si mon rendement chute de 20 % ou 30 %, est-ce acceptable ? Il n’y a donc pas de recette unique. A 30 arbres par hectare, la baisse de rendement est estimée entre 5 et 10 %, selon les projections.

Quel espacement faut-il prévoir entre les lignes d’arbres ?

C’est le parc matériel de l’agriculteur qui dicte le choix. Dans l’Eure, les lignes sont espacées de 24 à 36 mètres.

Les agroforestiers mettent en avant l’agroécologie, la biodiversité, l’environnement. Quid de la rentabilité ?

Elle n’est pas immédiate. Pour produire du bois d’œuvre, nous sommes sur un pas de temps de 50 ou 60 ans. C’est difficile de prédire le marché du bois. Mais, les forestiers sont dans la même démarche et ils pensent qu’on ne plante pas assez.

Sans visibilité sur le marché du bois à long terme, c’est donc difficile de choisir les essences à planter ?

D’abord, il faut sélectionner l’essence d’arbre selon le contexte pédoclimatique. Ensuite, il faut produire du bois de qualité pour être sur le haut de la fourchette de prix. Cependant, on ne connait pas la mode dans 30 ans. Il faut donc diversifier les essences pour limiter les risques.

Produire un bois de qualité demande combien de temps de main d’œuvre ?

Planter des arbres et laisser faire ne provoquera que des ennuis. Les branches basses gêneront le passage du matériel et le bois ne sera pas de bonne qualité. Il faut donc tailler dès la première année. Ces travaux doivent être renouvelés régulièrement. Ainsi, la tâche sera minimum et l’impact sur l’arbre sera limité. Pour l’entretien, je compte un à deux jours de travail par hectare et par an. Il y a beaucoup d’entretien les premières années. C’est ensuite dégressif car la bille de l’arbre est bien formée.

Quel budget faut-il prévoir pour la plantation ?

En grandes cultures, le coût de plantation est de 20 euros par arbre. Ce tarif prend en compte la préparation du sol, le piquetage, l’achat des plants, la mise en place et la protection contre le gibier. En système d’élevage, certains agriculteurs ajoutent jusqu’à 50 euros de plus par arbre. L’objectif est de le protéger contre les animaux : bovins, chevaux ou même poules.

Dans un contexte de tensions autour des ZNT (zones non traitées), l’agroforesterie, notamment en bordure de parcelle, peut-elle être une solution ?

Le code civil indique que les plantations de plus de 2 mètres de haut doivent être à plus de 2 mètres de la limite de propriété. Vous vous retrouvez donc avec un couloir entre la haie et le voisinage. Comment cette zone sera-t-elle appropriée ? Deviendra-t-elle un chemin, l’endroit où les tontes sont jetées ? Ne créons pas de nouveaux problèmes en voulant en résoudre un.



Les informations généralistes contenues dans cet article ne sauraient remplacer un diagnostic personnalisé des parcelles.

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