Le suivi du pHeau des sols est un enjeu majeur pour la conduite de culture, en termes de rendements et de qualité. Un niveau autour de 6 / 6.5 – 7 grand maximum - est ainsi recommandé selon l’espèce cultivée, afin d’assurer la disponibilité de certains éléments, éviter la toxicité d’autres, favoriser la vie biologique du sol, en améliorer la structure… La gestion des apports d’amendements minéraux basiques – ou chaulage - s’avère donc primordiale.
Pourquoi chauler un sol ?
Des gains à la clé grâce à l’amendement
Une étude conduite par l’UNIFA en collaboration avec Terrena a permis d’évaluer les enjeux liés au pHeau du sol. Le contexte : des exploitations de polyculture-élevage, six cultures principales (blé,orge d’hiver, triticale, colza, maïs grain et ensilage), des rotations sur 4 ans, des parcelles avec des pH autour de 6,9 et inférieurs à 6. En comparant les deux situations, il en ressort qu’un pH proche de la neutralité améliore le rendement moyen toutes cultures confondues (+ 6%) et la rentabilité (+ 61€/ha/an).
Eviter la toxicité de l’aluminium
Plus un sol est acide, et plus la concentration en ions aluminium y est élevée. En dessous d’un pHeau à 5,5, une toxicité alumnique apparaît, freinant la croissance des racines qui s’épaississent et brunissent, annihilant celle des radicelles. Conséquences, une alimentation minérale et hydrique des plantes affectée, et des rendements grevés. L’orge est particulièrement sensible à cette toxicité, contrairement au maïs et au triticale.
Avec l’amendement, assurer la biodisponibilité de certains éléments
Avec un pH entre 5,5 et 7, le phosphore, le potassium, le magnésium et la plupart des métaux sont bien assimilés par les plantes. A contrario, un pH trop élevé, au-delà de 6,5, peut induire des risques de carences de certains oligoéléments comme le bore, le manganèse, le zinc et, à moindre degré, le cuivre.
Une meilleure minéralisation de l’azote organique du sol
L’année suivant un apport d’amendement basique, il est possible d’observer une hausse des fournitures d’azote par le sol entre 20 et 60 kg/ N/ha. L’utilisation d’un outil de pilotage permet de mieux intégrer ces paramètres dans la conduite de la fertilisation.
L’amendement pour des sols vivants et plus structurés
L’apport d’amendement basique favorise l’activité biologique des sols (bactéries, champignons…). Il permet également d’améliorer la structure des sols : grâce à la floculation des argiles, est observée une meilleure stabilité et perméabilité à l’eau. Résultat, moins de tassement, moins de ruissellement et moins d’érosion. Un plus particulièrement intéressant dans les sols limoneux battants, hydromorphes et drainés.
Eviter toutefois les excès
Si un excès d’acidité favorise la hernie du colza, un sol dont le pHeau est proche de 7 favorise la gale de la pomme de terre et le piétin-échaudage sur céréales.
Aussi, selon des essais Arvalis réalisés en Bretagne en 2015 et 2016, des carences en manganèse ont pu être observées dans des parcelles avec une moyenne de pHeau élevée et proche de 6,8.
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Bien gérer l’amendement : deux indicateurs à prendre en compte
Deux indicateurs permettent de décider si une parcelle nécessité un apport d’amendement : le pHeau (plus répandue que le pHKCl) et la CECMetson (capacité d’échange cationique) du sol. Leur évaluation passe par une analyse de terre, à réaliser tous les cinq ans, un intervalle qui peut être ramené à trois ans si le sol est particulièrement acide (pH inférieur à 6).
Le pHeau va permettre d’évaluer le niveau d’acidité d’un sol. Il correspond au pH d’une suspension de terre dans l’eau (dans le cas pHKCl, c’est une solution de chlorure de potassium). Son niveau dépend de la saison, avec un différentiel moyen de 0.5 points : il baisse au printemps et en été, en lien avec la forte activité biologique et la nitrification de l’azote ammoniacal, pour ensuite remonter en automne et hiver. Mieux vaut donc réaliser les analyses de terre à la même période de l’année, de préférence à l’automne, où le pHeau est le plus stable selon les essais.
Quant à la CEC, elle va donner une indication sur les besoins en amendements des sols. Il s’agit de la quantité de cations (ions de charge positive) qu’un sol peut absorber, reflétant le niveau de fertilité du sol. Ainsi, plus la CEC est élevée, plus les échanges de cations sont difficiles et plus un apport d’amendement est nécessaire. A partir de cette mesure, il est possible de calculer la dose permettant de remonter le pH.
D’autres indicateurs peuvent également être utilisés, comme le taux de saturation (S/CEC) pour les sols dont la CEC est supérieure à 7 cmol/kg.
S/CEC X 100 = Ca2+ + Mg2+ + K+ + Na+ (en cmol+ / kg)
CEC (en cmol+ / kg)
Cette formule peut être utilisée distinctement pour chaque élément. Si le rapport S/CEC est inférieur à 80 %, un apport d’amendement calcique est à prévoir.
Amendement d’été : quels produits choisir pour son sol ?
L’objectif est de viser un pH supérieur à 5,5 en sols sableux, 5,8 pour les autres types de sol, sans dépasser 6.5. Si l’analyse de terre indique un pH suffisant, une impasse est possible. En-dessous du seuil de 5,5, il est urgent dans tous les cas d’amender : il s’agit d’un chaulage de redressement. Sinon, c’est de l’entretien.
La gamme d’amendements basiques se compose de produits cuits à base d’oxydes de calcium ou de magnésium (chaux vives et chaux vives magnésiennes) ou crus à base de carbonates de calcium et de magnésium. Ils se distinguent par leur vitesse d’action plus ou moins rapide (tableau 1). Pour les carbonates, tout va dépendre de leur finesse – pulvérisé, broyé ou concassé – et de leur dureté.
Tableau 1 : Les grandes catégories d'amendements calciques et magnésiens et leurs propriétés

VN : valeur neutralisante. Elle exprime la capacité d’un amendement basique à neutraliser l’acidité du sol et va dépendre des teneurs en CaO et MgO. Si un produit a une VN de 92, cela correspond à un apport de 920 unités efficaces par tonne.
Dans un contexte d’urgence, il est nécessaire de choisir des produits efficaces permettant de remonter très rapidement le pH, c’est-à-dire à action rapide, comme les chaux et les calcaires pulvérisés. Ces produits sont également à privilégier si le délai entre l’apport et l’implantation de la culture sont courts. La qualité d’incorporation est primordiale : dans un sol de préférence sec, un ou deux passages d’outil de déchaumage, suivis d’un labour, permettent d’obtenir un mélange bien homogène en surface comme en profondeur.
Pour l’entretien, des produits à action moyenne à lente suffisent. Chaque année, ils vont libérer une quantité suffisante de bases pour neutraliser l’acidité du sol (H+).
Prévoir d’apporter un produit contenant d’oxyde de magnésium si la teneur en MgO est inférieure à 100 pm (dolomies, chaux magnésienne).
Amendement d’été : comment calculer la dose ?
Concernant les doses d’apport, tout va dépendre de l’objectif : redresser le pH ou l’entretenir.
Pour le redressement, mieux vaut viser une augmentation de maximum 0.5 point de pH/an. La dose va alors dépendre de la CECMetson (tableau 1).
Tableau 2 : Quantités d’unités neutralisantes (kg CaO ou de VN /ha) nécessaires pour augmenter le pH eau de 0,5 unité sur la couche labourée (0-25 cm), en fonction de la CECMetson et pour un pH eau initial compris entre 5 et 6 (valeurs moyennes obtenues à partir d’expérimentations réalisées en France)

Dans le cas d’un entretien, les besoins d’apports varient, selon les références, entre 150 à 350 kg CaO/ha/an selon les conditions climatiques et le système de culture.
Dans les deux cas, une fois la valeur neutralisante nécessaire connue, la diviser par la valeur neutralisante du produit choisi pour évaluer la quantité de produit à apporter.
Tenir compte de l’effet résiduaires des produits organiques sur le pHeau
Contrairement aux idées reçues, les engrais de ferme n’acidifient pas les sols. Selon des essais ARVALIS conduits sur 10 ans, des apports annuels de fumiers, lisiers ou de composts provenant d’élevage ont permis à améliorer le pH du sol, par rapport à un sol fertilisé annuellement avec des engrais azotés minéraux seulement. Une bonne nouvelle, d’autant plus dans le contexte économique actuel, qui contribuerait à réduire la fréquence d’apport d’amendement minéral basique pour l’entretien du pH.
Les informations généralistes contenues dans cet article ne sauraient remplacer un diagnostic personnalisé des parcelles.