Aujourd’hui, le secteur de l’alimentation animale en France est dépendant de l’étranger pour 50% des approvisionnements en protéines. L’enjeu actuel est donc d’accroître l’autonomie protéique des élevages. Ce qui passe, entre autres, par l’augmentation des surfaces en protéagineux, tels que le pois, la féverole et le lupin. Zoom sur les espèces hivernales.
Cap protéines : un programme national en faveur des légumineuses
Les besoins en protéines des élevages français ne sont couverts qu’à 50% par la production nationale. Pour pallier le déficit, des aliments riches en protéines sont importés de l’étranger, exposant les élevages à la volatilité des marchés. Face à ce constat, un plan national a été lancé jusqu’en décembre 2022 pour accroître la production de protéines végétales dans l’Hexagone. Piloté par Terres Inovia et l’Institut de l’élevage, le programme « Cap Protéines » a pour objectifs d’accroître de 40 % les surfaces dédiées, de maintenir les 2 millions d’hectares en oléagineux et de mieux valoriser les 13 millions d’hectares de prairies. L’un des quatre leviers mis en avant dans le programme : la diversification des assolements, qui passe notamment par « l’introduction massive des légumineuses dans les systèmes de culture, pour passer de 2 à 10 % des assolements à horizon 2030 ». Mais également « l’innovation : nouvelles variétés, solutions de protection des cultures, techniques agronomiques… ».
Privilégier les protéagineux à graines pour l’autonomie protéique des élevages
Parmi les légumineuses, trois espèces de protéagineux sont particulièrement intéressantes pour leur richesse en protéines : le pois (21 à 23% en moyenne), la féverole (27 à 29 % en moyenne) et le lupin (autour de 34%).
Outre l’atout qualité, ces trois espèces présentent des atouts tant agronomiques qu’économiques.
Au niveau agronomique, comme elles sont capables de fixer l’azote atmosphérique grâce aux bactéries symbiotiques présentes sur leurs nodosités racinaires, pas besoin d’apporter de l’engrais azoté. Le lupin est également intéressant pour sa capacité à extraire le phosphore du sol, inaccessible pour les autres cultures, à l’aide de ses petites racines « protéoïdes ».
Ce sont aussi d’excellents précédents pour les céréales : amélioration de la structure du sol, gains de rendements, réduction des doses d’azote apporté, cycle des maladies, des ravageurs et des adventices perturbés, diversification des substances phytos utilisées…
Ces bénéfices agronomiques se répercutent en termes économiques, avec des résultats qui s’évaluent à l’échelle de la rotation (économie d’intrants, volumes vendus plus importants…).
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Riche en protéines, la féverole résiste à Aphanomyces Euteiches
Tête d’assolement, la féverole est économe en eau et en intrants. Elle se prête bien aux conditions climatiques du Centre-Ouest, avec des rendements moyens autour de 35-40 q/ha, et au maximum de 60-65 q/ha dans les meilleures parcelles.
Il est recommandé de cultiver de la féverole tous les 6 ans dans une même parcelle, afin de limiter pression de certains bioagresseurs (maladies racinaires notamment). A noter que c’est une espèce très résistante à Aphanomyces Euteiches, et est donc adaptée aux parcelles éventuellement contaminées. Par contre, ne pas semer de la féverole en cas de risque nématodes.
Choisir des parcelles avec des sols profonds à bonne réserve en eau, aérés, non battants, c’est-à-dire avec une structure qui permet l’installation des racines sans encombre, et éviter les sols légers, hydromorphes ou asphyxiants. A surveiller par une analyse de terre : les teneurs en phosphore et potassium, et le pH qui doit être compris entre 6 et 7, pour optimiser l’activité symbiotique (dysfonctionnement en dessous de 5.5) et la disponibilité du bore (blocage au-dessus de 7.5).
Semer à 7-8 cm de profondeur, dans une parcelle bien ressuyée, après un travail du sol sur 10 à 15 cm favorisant l’enracinement des plantes et un émiettement de la terre en surface.
Les semis peuvent être positionnés entre le 1er et 30 novembre, voire jusqu’au 20 décembre dans les zones plus au Sud, sur la base d’une densité de 20-25 graines/m2 dans les sols limoneux et de 30 graines/m2 dans les sols argileux et caillouteux.
Carte 1 : Date optimale de semis de la féverole (source : Terres Inovia)

Légende : Dans la zone grise, où aucune date n’est mentionnée, il est déconseillé de semer de la féverole d’hiver en raison d’une résistance au gel insuffisante.
Lors du choix variétal, la résistance au froid et le rendement sont les deux principaux paramètres qui entrent en ligne de compte. Hauteur à la récolte, résistance au gel et aux maladies, pouvoir étouffant vis-à-vis des adventices…peuvent également être analysés.
Evaluer le risque avant de semer le pois protéagineux d’hiver
Les rendements en pois peuvent atteindre entre 45 et 60 q/ha, selon le secteur et la variété implantée.
Avant de semer du pois, il est impératif d’évaluer le risque ‘pourriture racinaire du pois’ due à Aphanomyces Euteiches, maladie tellurique la plus préjudiciable, à partir de plusieurs éléments : département, historique de la parcelle, type de sol et irrigation.
Puis de définir éventuellement le potentiel infectieux. Sur cette base, il est alors possible de décider de la conduite à tenir selon les recommandations (alternance avec une autre espèce de protéagineux par exemple).
Comme pour la féverole, un sol aéré et sans obstacles au-delà de 10-15 cm de profondeur est requis pour le développement des racines et des nodosités. Les espèces d’hiver peuvent être semées dans des sols superficiels avec une réserve utile de 70-80 mm minimum, mais se plaît très bien avec des sols profonds. Eviter les sols séchants, argileux lourds et limons battants hydromorphes.
Il est nécessaire de réaliser une préparation du lit de semences minutieuse, pour obtenir un sol poreux et bien meuble, sans résidus de culture, et ainsi, favoriser l’implantation de la culture. Une analyse de sol permet de déterminer les besoins en phosphore, potasse et magnésium.
Les périodes optimales pour semer le pois protéagineux se situent entre le 25 octobre et le 15 décembre selon la zone de production.
Le réglage du semoir vise une profondeur de 3-4 cm en sol limoneux, et de 4-5 cm en sol argilo-calcaire ou de craie, avec un écartement de 12 à 25 cm selon l’outil utilisé. Attendre le ressuyage des parcelles pour lancer les chantiers. A savoir, qu’en conditions douces et humides, comme c’est le cas en bordure maritime du Nord-Ouest, la culture de pois peut être davantage exposée aux maladies aériennes : suivre de près les recommandations de densités de semis.
Tableau 1 : Densité de semis du pois d’hiver (source : Terres Inovia)
Lors du choix des variétés de pois protéagineux, on s’attachera évidemment à regarder les potentiels de rendement, mais aussi, la tenue de tige, la hauteur à la récolte, la teneur en protéines, la résistance au gel et le PMG. D’autant plus que l’innovation génétique a permis de nets progrès sur plusieurs de ces critères.
Le lupin d’hiver, un protéagineux sensible à l’enherbement
Avec un potentiel de rendement de30 à 40 q/ha, le lupin doit être impérativement cultivé dans une parcelle propre, exempte notamment de vivaces, en raison de son faible pouvoir couvrant, qui le rend sensible à la concurrence par les adventices.
L’une de ses particularités : il a besoin d’une bactérie, bradyrhizobium lupini, permettant la nodulation des racines et donc, l’alimentation azotée des plantes. Comme elle n’est pas toujours présente dans les sols français, il est fortement recommandé d’inoculer les semences si c’est la première fois que du lupin est cultivé dans une parcelle. Un seul produit est disponible actuellement sur le marché, utilisable à sec ou avec de l’eau (Inoculum Lupin NPPL Tourbe).
A l’instar de la féverole, le lupin d’hiver convient à des parcelles infestées par Aphanomyces Euteiches, en raison de sa tolérance . Semer dans des sols drainants, avec un taux de calcaire inférieur à 2.5% et un pH de préférence inférieur à 7. Eviter les sols limoneux, froids et battants.
La préparation du lit de semences ne doit pas être négligée : faux-semis, roulage, puis, au moins avant le semis, labour ou association d’un travail profond et d’un travail superficiel pour affiner le profil.
Concernant la date des chantiers, il est idéal de réaliser les implantations entre le 10/15 septembre et le 15 octobre, selon la région et la variété choisie. Les réglages à faire sur le semoir : 3 cm de profondeur, avec un écart de 35-40 cm, voire plus si du binage est prévu, et une densité de 25-30 graines/m2.
Sur le volet variétés, le catalogue ‘lupin’ en compte quatre actuellement :
Angus (2020), Ulysse (2017) Magnus (2013), Orus (2010). Le choix va dépendre de plusieurs critères, selon la zone de production et le débouché visé : le rendement, la résistance au froid, la verse à maturité, la précocité à floraison et bien sûr, la qualité des graines et notamment la teneur en protéines dans le cadre de l’autonomie protéique des élevages.
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Les informations généralistes contenues dans cet article ne sauraient remplacer un diagnostic personnalisé des parcelles.