L'arrivée de la morte saison marque un tournant crucial pour les agriculteurs, car c'est le moment propice pour prévoir les fournitures nécessaires à la conservation des fourrages. Que ce soit pour l'enrubannage, l'ensilage ou le stockage en sec, le choix des fournitures, telles que bâches, ficelles, films et filets, revêt une importance capitale pour optimiser la conservation de vos fourrages.
La conservation des fourrages, élément essentiel de la gestion agricole, peut s'opérer de deux manières distinctes : par voie sèche, pour des produits tels que le foin et la paille, ou par voie humide, dans le cas de l'ensilage et de l'enrubannage. La seconde méthode repose sur un processus d'acidification progressive de la récolte fraîche par fermentation lactique anaérobie. L'objectif ultime est de créer une barrière hermétique à l'oxygène, à l'eau et à la lumière, pour minimiser les pertes de matières sèches, maintenir la valeur nutritive et éviter le développement de bactéries nuisibles, notamment l'acide butyrique. Pour atteindre cet objectif, le choix des fournitures est déterminant.
Enrubannage : liage par film ou par filet, quel choix ?
L'enrubannage est une méthode populaire pour la conservation des fourrages, et le choix entre le liage par film et le liage par filet suscite souvent des débats parmi les agriculteurs. Une étude réalisée en 2019 par Arvalis, à la demande de John Deere, a comparé ces deux techniques en utilisant deux types de fourrages : un dit tendre et un autre agressif. Les résultats ont révélé des différences significatives.
Le liage par film permet d'obtenir des balles plus denses que le liage par filet, mais il entraîne une consommation de plastique plus importante, ce qui engendre un surcoût d'environ 0,9 à 1 euro par balle. Concernant la conservation des fourrages, après 210 jours de stockage, des différences ont été observées en fonction du type de fourrage sur les pertes fermentaires et totales. Les pertes liées aux moisissures ont été faibles pour le fourrage tendre, en lien avec la nature du couvert récolté. Le filmage avec 6 couches a permis de réduire les pertes totales, en particulier les pertes fermentaires. En ce qui concerne le liage, le film a entraîné moins de pertes totales par rapport au filet.
Cependant, pour le fourrage agressif, les pertes fermentaires sont moindres, mais les pertes par moisissures sont plus élevées. En fin de compte, il n'y a pas de différence significative dans les pertes totales entre les techniques de liage, mais le nombre de couches d'enrubannage joue un rôle crucial. Une autre étude menée aux Pays-Bas en 2020 et 2021 a corroboré ces résultats, montrant que le choix entre film et filet dépend des objectifs spécifiques de chaque producteur en termes technico-économiques.
Tableau 1 : Pertes fermentaires et pertes totales en pourcentage de la matière sèche initiale, selon le mode de liage et le nombre de couches de film d’enrubannage (source : ARVALIS)

Lorsque l'on se penche sur le cas du fourrage tendre, quels que soient les choix de liage effectués, certains constats importants ont été observés :
Les pertes liées aux moisissures ont été particulièrement faibles, ce phénomène étant en étroite relation avec la nature du couvert récolté. En d'autres termes, la qualité du fourrage initial a un impact significatif sur les pertes liées aux moisissures.
L'utilisation d'un film avec 6 couches a conduit à une réduction notable des pertes totales, diminuant ainsi de 0,7 point, soit l'équivalent de 2,7 kg de matière sèche par balle. Ces pertes totales étaient principalement de nature fermentaire.
En ce qui concerne le liage, le film occasionne de moindres pertes totales par rapport au filet (idem, -0.7 point).
Ces résultats soulignent l'importance de la qualité du fourrage initial et de la technique de filmage avec 6 couches pour minimiser les pertes, en particulier lorsqu'il s'agit de fourrage tendre. Par ailleurs, le film se révèle plus efficace que le filet en termes de réduction des pertes totales, contribuant ainsi à une meilleure conservation des fourrages.

Concernant le fourrage agressif, on observe une série de résultats significatifs. Tout d'abord, les pertes fermentaires sont réduites, et ce, grâce à une teneur en matière sèche (MS) plus élevée et une moindre solubilité de la matière organique. En revanche, le choix entre le liage par film ou le liage par filet ne semble pas avoir d'impact majeur sur ce type de pertes, mais le nombre de couches d'enrubannage est un facteur clé : l'utilisation de 6 couches au lieu de 4 a permis de réduire les pertes de 0,5 point, soit l'équivalent de 2,2kg de MS par balle.
En revanche, bien que les pertes par moisissures restent modérées, elles sont plus élevées que celles observées pour le fourrage tendre, augmentant de 0,4% à 0,9% de matière sèche.
En fin de compte, il n'y a pas de différence significative en termes de pertes totales entre les différentes techniques de liage pour le fourrage agressif. Le nombre de couches d'enrubannage joue un rôle plus marqué, montrant une réduction de pertes totales de 4,1% avec 6 couches par rapport à 5% avec 4, soit une économie équivalente à 2,8kg de MS par balle.
Une autre étude menée aux Pays-Bas par Kuhn en 2020 et 2021 vient corroborer ces constatations. Elle a comparé deux méthodes de liage : 2,8 tours de filets + 6 couches de film, par rapport à 3 tours de films + 5 couches d'enrubannage 3D. Les conclusions après 6 semaines de stockage en 2021 ont révélé des teneurs en matière sèche équivalentes (42/45%) et de faibles taux d'acide butyrique, indiquant une bonne étanchéité des balles et une excellente qualité de fourrage. Dans l'ensemble, les récoltes ont été bien préservées. Cependant, en 2020, les résultats ont été légèrement différents, avec un couvert végétal présentant une teneur en matière sèche plus faible (27/32%) : dans ce cas, le liage par film a démontré de meilleures performances, réduisant ainsi les niveaux de mauvaises bactéries par rapport au liage par filet.
Malgré les surcoûts associés au liage par film, cette technique demeure intéressante pour gagner du temps, en particulier lors du recyclage des fournitures, tout en réduisant les risques liés au développement de moisissures, ce qui peut entraîner des problèmes sanitaires chez certains troupeaux sensibles. Le choix final dépendra donc des objectifs spécifiques de chaque producteur, prenant en compte les aspects technico-économiques.
Ainsi, en considérant les résultats de ces études, il est évident que le processus de conservation des fourrages est une science complexe et que les choix en matière d'enrubannage jouent un rôle crucial pour maintenir la qualité des fourrages stockés.
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Filmage des balles : le choix des couches et des couleurs
Lorsqu'il s'agit de l'étape cruciale de l'enrubannage, deux facteurs majeurs déterminent le nombre de couches nécessaires : le type de fourrage, en fonction de sa rigidité et de son agressivité, ainsi que la durée de conservation prévue. Les recommandations varient en conséquence, par exemple, pour la luzerne destinée à une conservation de longue durée, il est recommandé d'utiliser 8 couches, tandis que 6 couches suffisent pour les graminées à longue conservation ou pour de la luzerne jeune prévue pour un stockage de moins de 6 mois.
En ce qui concerne les couleurs des films d'enrubannage, une étude menée en Suisse a comparé quinze films en polyéthylène de cinq teintes différentes : blanc, vert clair, vert olive, vert brun et noir. Les résultats en termes de qualité ont révélé que les films vert clair et vert olive étaient moins performants, obtenant une note inférieure à la moyenne. Dans ces cas, il est préférable d'utiliser 6 couches d'enrubannage, en réservant ces choix pour des stockages de moins de 6 mois. Les films de couleur sombre, en revanche, sont recommandés pour le stockage en plein air, notamment dans des zones exposées telles que les bordures de routes ou les sommets de collines. Pour les films de couleur blanche, ils sont idéaux pour les premières coupes d'herbe, car elles sont moins exigeantes en ce qui concerne la structure du plastique. Toutefois, il convient de noter que les teintes blanches attirent davantage les insectes, y compris leurs prédateurs, susceptibles de perforer le plastique. De plus, elles peuvent être interdites dans certains départements en raison de problèmes d'intégration paysagère.
De ce qui est des films noirs, bien que moins chers, ils peuvent provoquer la formation d'une fine couche de fourrage caramélisé en raison de la chaleur dégagée. Malgré sa faible valeur nutritive, cette couche est appréciée par les vaches. Pour les films verts, leur avantage réside dans leur intégration harmonieuse dans l'environnement extérieur.
En somme, le choix du nombre de couches et de la couleur des films d'enrubannage dépend des spécificités du fourrage, de la durée de conservation envisagée et de l'environnement de stockage. Les décisions prises à ce stade auront un impact significatif sur la qualité de la conservation des fourrages.

L' ensilage : une multitude de solutions pour une conservation optimale
La conservation de l'ensilage requiert généralement l'utilisation d'une double couche pour couvrir le silo. L'objectif est de garantir une résistance à la perforation d'environ 200 à 300 grammes, comme le démontre le test Dart. Plusieurs options s'offrent aux producteurs, notamment l'utilisation d'une bâche neuve d'une épaisseur allant de 100 à 180 microns, éventuellement recouverte d'une bâche plus ancienne. Une alternative encore plus efficace consiste à utiliser un sous-film extrêmement fin, d'environ 40 microns, souple et capable de s'appliquer de manière étanche, comme un film cellophane.
Ce sous-film est complété par une bâche. Les dimensions des rouleaux dépendent bien sûr de la largeur du silo, avec une augmentation d'environ 15% pour les silos couloirs et de 30% pour les silos taupinières. Pour renforcer la protection contre les animaux et les oiseaux, ainsi que pour optimiser l'imperméabilité du silo, il est possible d'ajouter une toile, une grille à silo, une géomembrane ou un géotextile. Dans tous les cas, il est essentiel de prêter une attention particulière au traitement anti-UV, car il peut avoir un impact sur la durée de vie du matériau utilisé. Pour maximiser cette durée de vie, un nettoyage méticuleux et un rangement à l'abri de la lumière sont recommandés.
Au niveau lestage, l'utilisation de pneus est de moins en moins courante en raison des inconvénients associés, notamment la désagrégation de la gomme et des fils de fer, qui peuvent se retrouver dans l'alimentation des animaux, ainsi que la création de nids à insectes tels que les moustiques, les guêpes, et la présence d'autres nuisibles comme les rats. Une alternative fréquemment utilisée consiste à employer des sacs de sable ou de cailloux, qui se révèlent être une bonne solution de lestage, de même que les tapis en caoutchouc.
Retrouvez toutes les infos dans le guide des techniques alternatives aux pneus recensées par l’ADEME
Une méthode alternative pour couvrir le silo : le semis à la volée de céréales
Une approche innovante pour la couverture du silo consiste à réaliser un semis à la volée de céréales. Les céréales, en poussant, créent une barrière de protection étanche assez rapidement, scellant ainsi efficacement le contenu du silo. Cette méthode présente plusieurs avantages, notamment sa facilité de mise en œuvre, son gain de temps et la réduction de la pénibilité du travail. De plus, elle est économique et présente l'avantage de ne pas générer de déchets dans le fourrage, ce qui évite toute nécessité de recyclage. De plus, elle contribue à éliminer le risque de présence de rongeurs.
Cependant, il est important de noter que cette approche comporte également des inconvénients. Elle peut entraîner des pertes de matière sèche, ainsi que des niveaux plus élevés d'acide butyrique, en particulier sur la partie supérieure du silo. En conséquence, cette méthode peut ne pas convenir si l'ensilage est destiné à l'élevage laitier, car les risques associés peuvent s'avérer trop élevés pour maintenir la qualité du fourrage.
Ainsi, le choix de cette méthode alternative de couverture du silo dépendra des priorités et des contraintes spécifiques de chaque exploitation agricole, prenant en compte les avantages et les inconvénients.