Piloter pour ajuster le dernier apport d’azote

La période hivernale est propice pour calculer, via la méthode des bilans, la dose totale d’azote à épandre sur céréales. Mais le contexte climatique et les accidents de culture peuvent perturber les prévisions initiales d'engrais. Aussi, avant de réaliser le dernier apport d’azote - capital pour assurer rendement et teneur en protéines - il est important de vérifier ce que la plante a réellement absorbé afin de lui apporter ce dont elle a réellement besoin.

Le dernier apport d'azote, pas avant le stade 2 nœuds

Dans la plupart des situations, le dernier apport d’azote correspond au troisième passage. Mais selon les stratégies adoptées par l’agriculteur ou selon le climat de l’année, ce dernier épandage peut être le deuxième... ou le quatrième. Au final, peu importe le nombre : ce qui compte, c’est l’apport de la bonne dose au bon moment. Car les besoins de la plante en azote ne sont pas les mêmes tout au long de son cycle : faibles durant toute la phase de tallage, ils grandissent à partir de la montaison.

Le contexte économique actuel et l’envolée du prix des engrais peuvent amener certains agriculteurs à repenser leur stratégie. Aussi, si l’objectif est de réduire les doses totales apportées, pour réduire le coût de ce poste, il est déconseillé de diminuer, et encore moins de supprimer, la dose d’azote du dernier apport car celui-ci est en général bien valorisé et concourt à la fois à l’élaboration du rendement et au taux de protéines. La nutrition azotée au cours de la montaison permet d’accompagner la croissance de la culture pour répondre à ses besoins, plus importants durant cette phase. La composante « rendement » est alors optimisée. En revanche, entre les stades épiaison et floraison, l’apport d’engrais impacte plutôt la teneur en protéines des grains. Après floraison, les composantes de rendement - nombre d’épis et nombre de grains - sont fixées. Passé ce stade, un apport d’azote ne permettra donc plus de rattraper le potentiel de rendement perdu suite à une éventuelle carence azotée.

Carence en azote : le saviez-vous ?

Une carence en azote peut se corriger jusqu’à la fin de la montaison des céréales, sous réserve de cumuler une pluviométrie suffisante après les apports d’engrais pour assurer leur assimilation. À dose totale identique apportée, le bénéfice d’un dernier apport courant montaison est en moyenne de + 2 à 3 q/ha et + 0,2 à 0,3 % de protéines, comparé à une fertilisation apportée uniquement en sortie d’hiver.

Adapter la formulation du dernier apport au contexte climatique

Pour valoriser de façon optimale l’azote épandu, il a été démontré qu’il était nécessaire de viser une période pluvieuse d’au moins 15 mm dans les 15 jours. Dans des conditions sèches, comme ce fut le cas l’an passé, certaines formes sont à privilégier, comme l’ammonitrate ou les urées additionnées d’un inhibiteur de l’uréase. En effet, elles sont moins sensibles à l’absence ou à un retard de pluie et aux pertes par volatilisation. Ainsi, pour ce dernier apport, préférer les formes solides d'azote. La solution azotée est très sensible aux pertes par volatilisation ammoniacale avec un risque de moindre efficacité.

Sans compter que l’application de cette solution sur des cultures au stade DFE (Dernière feuille étalée), peut entraîner des brûlures sur les feuilles

Tableau d'efficacité rendement et protéines selon les formes d'azote — Source : Arvalis-Institut du Végétal

Dernier apport d'azote : stop aux idées reçues !

Non, il ne fait pas plus sec au moment du dernier apport d’azote ! L’institut technique Arvalis l’a constaté en compilant plusieurs années de relevés météo. Selon lui, la crainte d’une mauvaise valorisation de l’azote apporté tardivement (fin avril à mi-mai) n’est pas statistiquement fondée : en effet, 7 années sur 10, il pleut suffisamment pour qu’un apport d’engrais soit valorisé. Même s’il faut bien reconnaître qu’avec le changement climatique, les printemps de la dernière année a été le plus chauds de la décennie.

Dose à ajuster au contexte de l’année pour le dernier apport

Pour ce dernier passage, les apports d’azote ne doivent pas se faire à l’aveugle. Le diagnostic de nutrition et les cartes de modulation permettent de mesurer les unités absorbées. Ce sont des outils d’aide à la décision précieux pour apporter ce dont la plante a réellement besoin à un moment donné. L’enjeu : éviter les sur-fertilisations et, à l’inverse, les faims d’azote. Premier impératif : s’assurer que l’apport précédent a correctement été valorisé. Si 15 mm de pluie suffisent pour mettre l’azote de l’engrais à disposition des racines, l’idéal est d’attendre un délai de 5 jours après ce cumul de pluie pour réaliser un diagnostic précis de l’état de nutrition de la plante.

La dose à apporter au troisième passage, calculée en fin février via la méthode des bilans, peut en fin de montaison ne plus être cohérente avec ce que la plante a subi. Les écarts peuvent être très significatifs. Voilà pourquoi le pilotage du troisième apport d’azote constitue un levier important pour adapter la dose d’azote au potentiel de production et de qualité recherché. Cette stratégie constitue, depuis plusieurs années déjà, une réelle voie de progrès dans le pilotage des itinéraires techniques. En résumé, tout dépend donc de la valorisation réelle des premiers apports. Et dans ce cadre, les unités apportées au dernier apport peuvent aller du simple au double : de 40 à 80.

La période idéale pour utiliser les outils de pilotage ? À partir du stade 2 nœuds et avant l’épiaison.

Certaines techniques, plus anciennes, consistent à prélever directement dans la parcelle des plantes pour estimer la teneur en chlorophylle des feuilles.

D’autres outils mesurent la biomasse et la teneur en chlorophylle sur l’intégralité de la parcelle. La technique est plus pointue et passe notamment par le recours aux satellites pour avoir une cartographie de la parcelle à un instant t. En liant ces données à un boîtier GPS installé dans l’épandeur, il est alors possible de moduler les apports en fonction de la situation réelle de chaque segment du champ.

Sous-fertilisation : le saviez-vous ?

Une sous-fertilisation de 50 unités d’azote peut faire perdre jusqu’à 0,8 point de protéine. Par exemple, pour une dose totale réajustée à 150 unités, il faut apporter environ 30 unités au tallage, 80 unités à partir du stade épi 1 cm et avant le 1er nœud, ce qui permet de garder 40 unités en réserve pour le dernier passage.

Miser sur le rendement et la protéine, avec le dernier apport

Le dernier apport d’azote a pour objectif principal de sécuriser le rendement et d’assurer un bon taux de protéines. Les essais ont montré que le meilleur stade pour viser ces deux objectifs se situe vers la sortie de la dernière feuille. Les apports réalisés à cette période seront principalement assimilés par les organes les plus proches des futurs épis : les deux derniers étages foliaires, le col de l’épi et le futur épi. Les grains, lors de leur remplissage, auront ainsi beaucoup plus de facilité à remobiliser l’azote absorbé et à le convertir en protéines. Les plantes, qui sont en croissance très active à cette période, valorisent rapidement l’engrais absorbé ce qui garantit une plus grande efficience. Les essais conduits par l’institut technique Arvalis montrent qu’au stade fin montaison, l’efficacité des engrais dépasse régulièrement 90 % de la dose apportée (efficacité de l’ordre de 80 % à épi 1 cm et de seulement 60 % au tallage).

La stratégie à adopter dépend également du débouché visé pour les céréales implantées. En effet, sur des marchés comme la meunerie, le taux de protéines est primordial. Il est alors fondamental de soigner ce dernier apport d’azote. Si à ce stade, le facteur rendement est déjà en partie joué (nombre de pieds/m², nombre de talles/pieds, etc… ) rien n’est en revanche acté pour les protéines. D’où l’a nécessité d’ajuster au mieux les apports aux besoins de la plante et aux objectifs recherchés.