L'évolution climatique et la demande croissante en eau pour les cultures obligent à reconsidérer avec une attention accrue le choix des espèces agricoles. Alors que le maïs a traditionnellement dominé les semis de printemps, le tournesol a progressivement gagné en popularité au cours des cinq dernières années : retour sur ces deux espèces qui peuvent se faire concurrence, mais restent complémentaires au sein d’une rotation.
Tournesol et maïs : des filières agricoles robustes
Le maïs et le tournesol s'appuient sur des filières agricoles solidement structurées, offrant des débouchés variés pour les agriculteurs. Le maïs occupe une place de choix, couvrant un peu plus de 2,5 millions d'hectares, ce qui en fait la deuxième céréale la plus produite en France. Il se décline en quatre catégories de productions distinctes : grain, fourrage, semences et maïs doux. La majorité des exploitations maïsicoles se consacrent à la production de grain et de fourrage, destinés principalement à l'alimentation animale. De plus, le grain de maïs trouve des applications diverses dans l'industrie, comme l'industrie amidonnière, la semoulerie, et même le secteur du bioéthanol.
Les exploitations spécialisées dans la production de semences de maïs comptent 3229 unités, tandis que celles dédiées au maïs doux totalisent 780 exploitations. Bien que ces filières soient plus confidentielles que la production de grain, elles jouent un rôle tout aussi crucial. Leur force réside dans un réseau étroit de partenariats, avec des productions contractualisées entre les agriculteurs et les entreprises.
Quant au tournesol, il occupe environ 800 000 hectares des terres agricoles françaises. Deux profils de tournesol sont cultivés : le linoléique, dit classique, et l'oléique, apparu en Europe de l'Ouest au début des années 2000, où la France joue un rôle pionnier. Les tournesols oléiques se distinguent par leur richesse en vitamines E et en protéines, ainsi que par leur équilibre entre oméga 6 et oméga 9.
La composition en oméga des deux types de tournesol est la suivante :
Linoléique : 55% oméga 6, 30% oméga 9.
Oléique : 7% oméga 6, 80% oméga 9.
Tableau 1 : composition des types linoléiques et oléiques en oméga
La composition des types linoléiques et oléiques en oméga constitue un facteur déterminant pour le tournesol, étant donné ses nombreux avantages nutritionnels. Cette plante est principalement destinée à la production de margarines et d'huiles, parfois sous forme de mélanges, ainsi que de tourteaux en raison de sa teneur élevée en protéines. Cependant, elle trouve également sa place sur des marchés de niche, tels que l'oisellerie, où ses graines sont très prisées.
En France, le type oléique du tournesol occupe désormais une place prépondérante, avec 60 à 70% des surfaces cultivées dédiées à cette variété. L'huile produite à partir de tournesol oléique se caractérise par sa grande résistance aux températures élevées, ce qui la rend particulièrement attrayante pour les fabricants spécialisés dans la friture au sein de l'industrie agroalimentaire. De plus, la biodégradabilité de cette huile ouvre la voie à divers débouchés dans l'industrie verte, notamment en tant que biolubrifiants et biocarburants. Cette diversité d'utilisations fait du tournesol oléique une culture polyvalente et durable, en phase avec les besoins actuels de l'industrie alimentaire et de l'industrie verte.
Figure 1 : Évolution historique des surfaces de tournesol en France, et part de l’oléique. Source : Sofiprotéol (2017) d’après UFS

Un engouement croissant pour le tournesol au cours des dernières campagnes
Au cours des dernières campagnes agricoles, le tournesol a connu un engouement notable, marqué par une augmentation significative de ses surfaces cultivées. Cette tendance a été particulièrement marquante, avec une hausse quasi constante de près de 20%, bien que l'on ait noté une légère diminution entre 2023 et 2022.
Simultanément, les surfaces consacrées au maïs, principalement le maïs grain et le maïs fourrage, ont connu une réduction substantielle. Cette diminution a été particulièrement prononcée pour le maïs grain irrigué. La seule exception notable a été l'augmentation des surfaces consacrées au maïs semences. Plusieurs facteurs expliquent cette évolution. Pour ce qui est du maïs grain, la réduction des surfaces cultivées semble résulter des arbitrages réalisés par les agriculteurs en défaveur de cultures exigeantes en eau pendant la période estivale. À cela s'ajoutent des risques liés aux conditions climatiques changeantes. De plus, les prix des engrais et du gaz sont restés élevés, tandis que le prix du maïs a connu une baisse ces derniers mois, ce qui a impacté négativement la rentabilité de cette culture.
En ce qui concerne le tournesol, malgré un rendement décevant en 2022, cette culture a bénéficié de prix avantageux et de coûts de production inférieurs à ceux d'autres cultures de printemps. Ces facteurs ont renforcé l'attrait des agriculteurs pour la culture du tournesol.
En résumé, l'engouement croissant pour le tournesol s'explique en grande partie par des facteurs économiques et environnementaux favorables, tels que des prix attractifs et des coûts de production plus bas. Cette tendance a eu un impact significatif sur les choix des agriculteurs en matière de culture, conduisant à une augmentation notable des surfaces dédiées au tournesol aux dépens du maïs.
Tableau 1 : Estimations des surfaces de maïs et tournesol (en 1000 ha) en 2023 (au 1er octobre) et évolutions – source : Agreste
Tournesol : un investissement rentable

Une étude réalisée par Terres Inovia met en évidence la supériorité de la rentabilité du tournesol par rapport à d'autres cultures de printemps, avec des variations significatives entre ses deux profils. Le tournesol s'avère être une culture rentable, capable de valoriser divers types de sols, même dans des conditions de culture peu irriguées, mais il atteint son plein potentiel dans les sols profonds.
Il convient de noter que le type oléique du tournesol suscite un fort engouement en raison d'une prime attrayante. Cette prime représente la différence de prix entre l'oléique et le linoléique, deux profils de tournesol. Bien que cette prime puisse varier en raison de la volatilité du marché de l'oléique, elle est généralement positive, avec une moyenne de +45 €/tonne au cours des campagnes agricoles de 2015-2019 selon les données de Terres Inovia. À la fin de l'été 2022, elle a même atteint des niveaux particulièrement élevés, oscillant entre 80 et 100 €/tonne.
Adaptabilité à divers types de sols : une caractéristique essentielle du tournesol est son adaptabilité à une variété de types de sols. Que ce soit sur des sols plus arides ou des terres profondes, le tournesol peut prospérer. Cette polyvalence permet aux agriculteurs de diversifier leurs cultures et de s'adapter aux conditions locales, renforçant ainsi la stabilité de leurs revenus agricoles.
Réduction des risques environnementaux : la culture du tournesol, en particulier du type oléique, peut contribuer à la réduction des risques environnementaux. Avec des coûts de production plus bas que certaines autres cultures de printemps, le tournesol permet de minimiser l'utilisation d'engrais et d'autres intrants agricoles coûteux. En outre, sa capacité à prospérer dans des conditions moins irriguées peut contribuer à économiser des ressources en eau, un facteur de plus en plus crucial compte tenu des préoccupations liées au changement climatique.
Renforcement de la durabilité agricole : en intégrant le tournesol dans leur rotation de cultures, les agriculteurs peuvent contribuer à renforcer la durabilité de leurs exploitations. Le tournesol est particulièrement bénéfique pour briser le cycle des ravageurs et des maladies, tout en limitant la croissance d'adventices spécifiques. Cette rotation de cultures peut réduire la dépendance aux pesticides et aux herbicides, favorisant ainsi une agriculture plus respectueuse de l'environnement.
Le tournesol, en particulier le type oléique, représente un choix rentable et judicieux pour les agriculteurs modernes. Sa rentabilité, sa prime attrayante, son adaptabilité à divers types de sols, sa contribution à la réduction des risques environnementaux et son rôle dans le renforcement de la durabilité agricole en font une culture polyvalente et profitable. En tant que l'une des options les plus avantageuses pour les semis de printemps, le tournesol devient un choix de plus en plus évident pour les agriculteurs soucieux de maximiser leurs rendements tout en minimisant les risques.
Tableau 1 : Marges brutes indicatives du tournesol selon les milieux

Même avec des marges brutes équivalentes, le tournesol offre un rendement par hectare inférieur par rapport au maïs, mais avec des différences notables entre ses profils. Par exemple, en tournesol oléique, le rendement est d'environ 16 quintaux par hectare, tandis qu'en tournesol linoléique, il atteint environ 19 quintaux par hectare. En comparaison, le maïs grain présente un rendement bien plus élevé, atteignant environ 52 quintaux par hectare.
Cependant, il est essentiel de noter que le tournesol, en particulier le tournesol oléique, peut afficher des rendements exceptionnels, atteignant régulièrement plus de 30 quintaux par hectare, en particulier dans les sols profonds. Dans ces conditions, un tournesol oléique peut rivaliser sur le plan économique avec un maïs dont le rendement atteint 85 quintaux par hectare en conditions sèches.
Cela souligne l'importance de la gestion appropriée du tournesol, en tenant compte des spécificités du sol et des conditions de culture. Avec des rendements potentiels élevés, en particulier en sol profond, le tournesol offre aux agriculteurs une opportunité de maximiser leur rentabilité, même face à des cultures telles que le maïs. Cela démontre la polyvalence et le potentiel de profit du tournesol en tant que culture de choix pour les agriculteurs.
Tableau 2 : Rendement (aux normes et en q/ha) à atteindre par espèce pour obtenir la même marge brute - Cultures en conduite « en sec » (pluviale) et en agriculture conventionnelle.

Le tournesol
Le tournesol est une culture aux multiples atouts, à la fois sur le plan économique et agronomique. Il offre de nombreuses caractéristiques positives qui en font un choix judicieux pour les agriculteurs :
Rotation et précédent avantageux : le tournesol est une excellente tête de rotation, ce qui signifie qu'il peut occuper le sol pendant une courte période et qu'il constitue un précédent favorable pour d'autres cultures, en particulier le blé. Des études montrent qu'une culture de blé suivant un tournesol peut augmenter son rendement de 15 % par rapport à un blé qui suit un autre blé. Cette rotation bénéfique contribue à améliorer la santé des sols.
Adaptabilité aux différents types de Sols : le tournesol est une culture robuste qui peut prospérer sur une variété de types de sols, y compris des sols plus contraignants. Il peut s'adapter aux conditions de culture sèche ou irriguée. Sa résistance au manque d'eau est particulièrement remarquable, ce qui en fait une culture adaptée aux zones sujettes à la sécheresse.
Gestion de l'eau : bien que le tournesol ait des besoins en eau plus élevés que le maïs, il est capable de maintenir son potentiel de rendement même lorsque ses besoins en eau ne sont couverts qu'à 75%. Cela en fait une culture résistante aux variations de disponibilité d'eau, ce qui est essentiel dans un contexte de changement climatique. Dans les systèmes irrigués, il sait optimiser l'utilisation de l'eau, même en cas de ressources limitées.
Itinéraire cultural simplifié : la culture du tournesol est relativement simple en termes d'itinéraire cultural. Elle nécessite généralement seulement 7 à 8 passages, de la préparation du sol à la récolte. De plus, le tournesol est peu gourmand en intrants, que ce soit en termes de produits phytosanitaires ou d'engrais azotés. Cette simplicité de gestion réduit les niveaux d'Indice de Fréquence de Traitement (IFT) et les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES), ce qui en fait une culture respectueuse de l'environnement.
Biodiversité et mellifère : il est également bénéfique pour l'environnement. Il est une plante mellifère, produisant du nectar qui attire les abeilles et contribue ainsi à la biodiversité écologique et paysagère. Cette caractéristique est précieuse pour la pollinisation et la préservation de la faune locale.
En somme, le tournesol est une culture polyvalente qui allie rentabilité économique et avantages agronomiques. Sa capacité à s'adapter à divers types de sols, sa résistance à la sécheresse, sa simplicité de gestion et son rôle dans la préservation de l'environnement en font un choix judicieux pour les agriculteurs soucieux de maximiser leurs rendements tout en contribuant à une agriculture durable.
Qu’en est-il du maïs ?

Le maïs est également une culture agronomiquement intéressante, avec ses propres atouts qui méritent d'être pris en compte. Voici quelques avantages clés du maïs en tant que culture de printemps :
Facilité de gestion et progression génétique : le maïs est une culture qui peut être bien gérée avec une relative facilitée. Les avancées génétiques ont permis de développer des variétés de maïs plus résistantes à certaines maladies, ce qui réduit la nécessité d'utiliser des produits phytosanitaires. Cette avancée génétique permet également de cultiver des variétés rustiques adaptées aux conditions difficiles, telles que le froid, la verse et le stress hydrique, ainsi que des sols moins productifs.
Gestion des adventices : le maïs facilite la gestion des mauvaises herbes. Le désherbage mixte est efficace, avec la possibilité d'utiliser des outils mécaniques tels que les bineuses. L'espacement entre les rangs du maïs est suffisamment large pour permettre le passage de ces outils.
Pouvoir couvrant rapide : il se développe rapidement et couvre rapidement le sol, généralement dès le deuxième mois après le semis. Ce développement végétatif important aide à réduire la concurrence des mauvaises herbes et à maintenir un sol en bonne santé.
Biomasse abondante : le maïs produit une grande quantité de biomasse pendant la période estivale. Cette biomasse peut être précieuse pour l'alimentation animale, la production d'énergie et d'autres utilisations agricoles.
Facilité de stockage et valeur alimentaire : la récolte et le stockage du maïs, qu'il s'agisse de maïs grain ou de maïs fourrage, peuvent être effectués directement sur les exploitations d'élevage. Le maïs offre une ressource de grande valeur alimentaire et énergétique, ce qui simplifie la gestion de l'alimentation du bétail tout au long de l'année.
En conclusion, le maïs est une culture de printemps qui présente des avantages agronomiques importants. Il est relativement facile à gérer, permet une bonne gestion des mauvaises herbes, offre un pouvoir couvrant rapide, produit une biomasse abondante et est une source précieuse de nutrition animale. Le choix entre le maïs et le tournesol dépendra des objectifs spécifiques de l'agriculteur, des conditions locales et des préférences en matière de culture.
Tableau 3 : Les critères pour choisir une variété de tournesol ou de maïs
Le choix entre le maïs et le tournesol dépend de plusieurs critères importants. Ces deux cultures de printemps ont leurs propres avantages et inconvénients, et la décision doit être basée sur les objectifs spécifiques de l'agriculteur, les conditions locales et les préférences en matière de culture. Voici quelques critères à prendre en compte lors du choix de la variété de tournesol ou de maïs :
Objectifs de production : les objectifs de production sont un facteur clé. Le maïs est principalement cultivé pour son grain, tandis que le tournesol peut être destiné à la production d'huile, de margarines, de tourteaux, ou à des marchés de niche comme l'oisellerie. Déterminez si vous visez la production de grain, d'huile, ou d'autres produits.
Type de Sol : la nature de votre sol peut influencer le choix de la culture. Le tournesol s'adapte bien à divers types de sols, même ceux moins fertiles. Le maïs peut également être cultivé sur une variété de sols, mais il est généralement préférable dans des sols plus riches.
Résistance aux maladies : les deux cultures peuvent être sujettes à des maladies spécifiques. Assurez-vous de choisir des variétés résistantes aux maladies courantes dans votre région.
Besoins en eau : considérez les besoins en eau de chaque culture. Le maïs nécessite généralement plus d'eau que le tournesol. Si vous cultivez dans une région sujette à la sécheresse, cela peut influencer votre choix.
Rotation des cultures : les deux cultures peuvent s'intégrer efficacement dans des rotations avec des cultures d'automne, ce qui aide à casser le cycle des ravageurs, des maladies et à réduire le développement d'adventices spécifiques. Réfléchissez à la manière dont ces cultures s'inscrivent dans votre rotation globale.
Objectifs économiques : Considérez les avantages économiques de chaque culture. Le tournesol oléique, par exemple, peut offrir une prime attrayante par rapport au linoléique, ce qui peut influencer la rentabilité.
Impact environnemental : pensez également à l'impact environnemental de vos choix. Le tournesol nécessite généralement moins d'intrants et peut contribuer à la biodiversité grâce à son nectar.
Conditions climatiques : les conditions climatiques de votre région, y compris la température, la précipitation et le risque de sécheresse, doivent également être prises en compte.
En fin de compte, le choix entre le maïs et le tournesol dépendra d'une évaluation approfondie de ces critères spécifiques à votre situation. Il est important de consulter des experts agricoles locaux et de prendre en compte les données actuelles pour prendre une décision éclairée.