Les céréales à paille de printemps ont des atouts à faire valoir. Potentiel, itinéraires techniques, leviers agronomiques, couverts, ces espèces méconnues peuvent devenir un atout pour votre stratégie. Quelles espèces cultiver en fonction des opportunités ? Zoom sur l’orge et l’avoine.
Le marché des céréales à paille de printemps en France est dominé par l'orge, qui couvre en moyenne 550 000 hectares chaque année, suivi de près par l'avoine (45 000 ha) et le blé (16 000 ha). Traditionnellement, ces céréales étaient associées aux conditions de semis d'automne, mais il convient de remettre en question l'idée que leur utilisation est un choix par défaut. En effet, les céréales de printemps ont bien plus à offrir qu'on ne le pense.
À la suite des conditions météorologiques extrêmes de ces dernières années, les agriculteurs ont su adapter leurs pratiques afin de limiter les impacts négatifs sur leur productivité.
Ainsi, affirmer que les céréales de printemps sont utilisées par défaut est un contresens. Au contraire, elles se révèlent être des cultures polyvalentes qui peuvent s'adapter aux besoins changeants de l'agriculture moderne. Leurs avantages en termes de cycle court, de réduction des intrants, et leur rôle bénéfique dans les rotations agronomiques en font des choix stratégiques et non pas un dernier recours. Les céréales à paille de printemps ont clairement plus d'un atout dans leurs épis, et elles méritent une place de choix dans la palette des cultures agricoles.
Cycles courts et intrants réduits : les avantages des céréales à paille de printemps
Les céréales à paille de printemps offrent un certain nombre d'avantages indéniables, notamment grâce à leurs cycles courts et à la réduction des intrants agricoles. Semées en février-mars et récoltées en juillet, ces cultures ont un potentiel de développement rapide qui permet d'optimiser les rendements tout en limitant l'utilisation de produits phytosanitaires.
L'un des principaux avantages des céréales de printemps réside dans leur résistance accrue aux maladies et à l'envahissement par les adventices. Cette résistance naturelle réduit la nécessité d'utiliser des pesticides, ce qui est bénéfique tant sur le plan économique que sur celui de l'environnement.
De plus, les apports d'azote nécessaires pour les céréales à paille de printemps sont similaires à ceux des orges d'hiver, ce qui permet une gestion plus efficace des nutriments tout en préservant la rentabilité de l'exploitation agricole.
Un exemple concret de ces avantages est donné par Luc Pelcé, animateur de la filière brassicole chez Arvalis, qui indique « On peut estimer que la conduite d’une orge de printemps permet d’économiser une centaine d’euros par hectare, par rapport à l’orge d’hiver ».
Gérer les adventices et les maladies des rotations
L'une des stratégies essentielles pour lutter contre les adventices et les maladies en agriculture est la rotation des cultures. Cette pratique, qui consiste à alterner différentes cultures sur une même parcelle au fil des saisons, permet de réduire de manière significative la pression exercée par les mauvaises herbes et les maladies, tout en préservant la qualité du sol. Dans le contexte des céréales à paille de printemps, l'introduction de ces cultures dans une rotation présente des avantages. Elles sont moins sensibles aux maladies et aux adventices que certaines cultures d'automne, en partie grâce à leur cycle de développement rapide.
Luc Pelcé, animateur de la filière brassicole chez Arvalis, propose une stratégie intéressante : l'implantation d'une orge de printemps (une espèce réputée "propre") pendant deux années consécutives dans une parcelle infestée. Cette approche permet de rompre le cycle des adventices et de réduire leur impact sur les cultures.
Cette technique s'inscrit dans une approche plus large de gestion agronomique, qui combine l'alternance des cultures de printemps et d'hiver, le travail du sol, le désherbage mécanique, et d'autres leviers agronomiques. Elle devrait être envisagée systématiquement pour préserver la santé des cultures et maintenir une productivité optimale.
La rotation des cultures est un outil clé pour la gestion des adventices et des maladies en agriculture, et les céréales à paille de printemps peuvent jouer un rôle important dans cette stratégie en contribuant à réduire la pression des graminées d'automne et en permettant de cultiver de manière plus durable.
Conseil corroboré par la note inter-instituts sur la résistance des adventices aux herbicides (2019) : « l’alternance des modes d’action herbicides et le recours aux leviers agronomiques tels que le travail du sol, le désherbage mécanique, l’alternance des cultures de printemps et d’hiver, devraient être mis en place systématiquement, et pas seulement dans les situations à risques. »
Focus sur l’orge de printemps
L'orge de printemps : un trésor pour l'Industrie brassicole
L'orge de printemps occupe une place privilégiée dans l'industrie brassicole, absorbant près de 95% des volumes d'orges de printemps produits en France, principalement dans le quart nord-est du pays. Il est intéressant de noter que la France, bien que considérée comme un petit producteur de bière en termes de volume, est en réalité un acteur majeur dans la production d'orge destinée à la brasserie.
Parmi les 2 milliards d'hectolitres de bière produits dans le monde, 20% sont brassés avec de l'orge française, qu'il s'agisse de grains ou de malt. Cette statistique témoigne de la qualité et de la réputation de l'orge de printemps française au sein de l'industrie brassicole mondiale.
L'orge de printemps se distingue par plusieurs avantages significatifs. Tout d'abord, elle affiche une qualité supérieure par rapport à ses homologues d'automne, ce qui en fait un choix privilégié pour la production de malt de haute qualité. De plus, sa conduite économique, associée à des rendements similaires à ceux de l'orge d'hiver, en fait une option économiquement attractive pour les agriculteurs.
Selon les données d'Arvalis, les orges de printemps ont enregistré un rendement moyen de 60 quintaux par hectare au cours des dix dernières années. Bien que légèrement inférieur à l'orge d'hiver, qui a atteint en moyenne 62 quintaux par hectare sur la période de 2016 à 2020 selon Agreste, l'orge de printemps conserve des performances agronomiques solides et est préférée pour sa qualité supérieure dans l'industrie brassicole.

S’assurer du marché
En France, la culture d'orges de printemps a principalement pour objectif la production de malt, un ingrédient essentiel dans l'industrie brassicole. Chaque année, les Malteurs et Brasseurs de France publient une liste des variétés d'orge homologuées pour leur industrie. Ces variétés sont sélectionnées en fonction des besoins spécifiques de la profession brassicole.
Il est donc primordial pour les agriculteurs souhaitant cultiver de l'orge de printemps de s'assurer de l'existence d'un marché pour leurs produits. Cette démarche passe par le contact avec les organismes de collecte locaux, qui peuvent fournir des informations précieuses sur les variétés recherchées par l'industrie brassicole.
Chaque variété d'orge peut être destinée à un objectif de sole particulier, en fonction de ses caractéristiques et de sa qualité. Pour maximiser la rentabilité de la culture d'orge de printemps, il est donc conseillé de cultiver les variétés pour lesquelles il existe une demande sur le marché, afin de s'assurer de la commercialisation de la récolte.
Cette approche garantit non seulement la viabilité économique de la culture, mais contribue également à renforcer les liens entre les agriculteurs et l'industrie brassicole, créant ainsi un partenariat mutuellement bénéfique.
« Quand les débouchés sont assurés, il est intéressant d’opter pour la filière brassicole », confirme Luc Pelcé. Une orge destinée à la brasserie est valorisée 50€/tonne de plus, en moyenne, qu’une fourragère. La qualité des variétés de printemps est recherchée pour l’exportation du malt vers la Belgique, l’Angleterre ou le Bénélux, grandes nations de bières !»
Le cahier des charges brassicole
La France jouit d'une réputation bien méritée en tant que premier pays producteur et exportateur de malt dans le monde, ainsi que le deuxième exportateur d'orge de brasserie. Cette position de leader repose sur un savoir-faire historique et une attention méticuleuse portée à la qualité des matières premières utilisées dans l'industrie brassicole.
Pour répondre aux exigences élevées de cette industrie, un cahier des charges brassicole strict est mis en place. Ce cahier des charges spécifie les critères de qualité essentiels pour l'orge de printemps destinée à la brasserie. Parmi ces critères figurent l'humidité, la germination, et le taux d'impuretés, qui sont des éléments fondamentaux à prendre en compte lors de la collecte de la récolte.
En outre, la qualité brassicole impose des exigences particulières en ce qui concerne le calibrage et la teneur en protéines de l'orge. Le calibrage fait référence à la taille et à l'homogénéité des grains, ce qui permet d'estimer le rendement en brasserie. Pour être conformes au cahier des charges, les lots d'orge de printemps doivent atteindre un calibrage de 90% de grains supérieurs à 2,5 mm. Cette uniformité garantit la qualité constante du malt produit.
Quant à la teneur en protéines, elle est encadrée dans une fourchette de 9,5% à 11,5%, l'optimum se situant entre 10% et 11%. Cela garantit que l'orge a les caractéristiques idéales pour la transformation en malt de haute qualité. Les variations de taux protéique peuvent être causées par des facteurs tels que les conditions climatiques ou un apport excessif d'azote, ce qui souligne l'importance de gérer soigneusement ces aspects lors de la culture de l'orge de printemps.
« Prudence enfin sur la verse, alerte Luc Pelcé. Une orge qui a versé perd sa qualité brassicole ».
Choisir la variété d'orge de printemps adaptée à vos besoins
Le choix de la variété d'orge de printemps est une décision cruciale pour les agriculteurs, car il peut avoir un impact significatif sur la productivité, la qualité de la récolte et la rentabilité globale de la culture. Voici quelques facteurs clés à prendre en considération lors du choix de la variété d'orge de printemps :
Le débouché : lorsque vous envisagez de cultiver de l'orge brassicole, il est essentiel de vous référer aux besoins spécifiques des organismes de collecte locaux. Chaque variété peut être destinée à un objectif de sole particulier en fonction de ses caractéristiques et de la demande sur le marché.
La génétique : privilégiez une variété récente qui apporte un potentiel génétique supérieur en termes de productivité et de résistance aux maladies, ainsi qu'à la verse. Les variétés modernes sont généralement mieux adaptées aux conditions actuelles de culture.
La teneur en protéines : en particulier pour l'orge de brasserie, la maîtrise de la teneur en protéines est essentielle. Les variétés à haute teneur en protéines peuvent avoir un impact sur la productivité et la qualité du malt. Il est important de maintenir un équilibre entre la productivité et la teneur en protéines.
Le calibrage : les calibrages des grains sont importants pour estimer le rendement en brasserie. Assurez-vous que les calibrages des lots d'orge de printemps atteignent les normes recommandées, généralement autour de 90% de grains supérieurs à 2,5 mm.
La sensibilité à la verse : une bonne résistance à la verse est cruciale pour éviter les pertes de rendement et préserver la qualité du grain. Sélectionnez des variétés qui présentent une résistance à la verse, en particulier si votre région est sujette à ce problème.
Le rendement : évaluez la productivité des variétés sur la base de rendements pluriannuels pour obtenir une perspective globale, en minimisant l'impact des variations d'année en année. Prenez en compte que le rendement moyen des orges de printemps peut varier en fonction des conditions locales.
La précocité : la précocité de la variété doit être adaptée aux dates de semis, au risque de gel, au type de sol et au niveau de salissement de la parcelle. Choisissez une variété qui convient le mieux à votre situation spécifique.
Le comportement vis-à-vis de la rhynchosporiose : en semis de printemps, la pression de la rhynchosporiose est généralement plus faible qu'en semis d'automne. La plupart des variétés présentent des résistances moyennes à très favorables, mais il est important de prendre en compte ce facteur pour prévenir les problèmes de maladies.
Zoom sur l’avoine de printemps
L'avoine est une culture importante en France, couvrant en moyenne environ 100 000 hectares par an. Parmi ces surfaces cultivées, la moitié est consacrée à des variétés d'avoine de printemps. Cette culture est essentiellement répartie en deux catégories principales en fonction de la couleur des grains :
Variétés à grains noirs : ces variétés d'avoine sont principalement destinées à l'alimentation équine. Les grains noirs sont appréciés pour leur qualité nutritionnelle et sont souvent utilisés dans l'alimentation des chevaux. L'avoine à grains noirs est une source précieuse d'énergie pour les animaux de trait et de sport.
Variétés à grains blancs : les variétés d'avoine à grains blancs sont généralement utilisées dans l'industrie de la floconnerie et dans l'alimentation animale. Les grains blancs sont transformés en flocons d'avoine, largement consommés dans les produits céréaliers et les aliments pour animaux.
L'avoine de printemps présente plusieurs avantages, notamment sa capacité à s'adapter aux conditions de semis du printemps. Elle peut être semée idéalement entre la fin février et le début mars, ce qui en fait une option attrayante pour les agriculteurs qui souhaitent rattraper des surfaces non-semées au printemps ou participer à des marchés locaux spécifiques.
En outre, l'avoine de printemps offre des avantages agronomiques. Elle peut être utilisée comme une arme dans la lutte contre le piétin échaudage touchant le blé. Le semis d'un couvert d'avoine entre deux cultures peut contribuer à réduire la pression de cette maladie sur les parcelles. De plus, l'avoine peut être semée en association avec d'autres céréales ou des légumineuses pour produire des stocks fourragers.
Surveiller les débouchés
L’avoine de printemps est privilégiée dans le nord-est de la France pour contrer la sensibilité de l’espèce au gel. Semée idéalement entre la fin février et le début mars, elle est employée pour le rattrapage de surfaces non-semées au printemps ou dans le cadre de marchés locaux spécifiques : « Le débouché équin est bien connu pour l’avoine et peut représenter des opportunités intéressantes, selon Eric Masson, spécialiste des céréales fourragères chez Arvalis. Par ailleurs, l’utilisation de l’avoine blanche transformée en flocons pour l’alimentation humaine se développe. »
Intérêts agronomiques
L'avoine de printemps présente divers intérêts agronomiques qui en font une culture précieuse pour les agriculteurs. Voici quelques-uns de ces avantages :
Lutte contre le piétin échaudage : l'avoine est efficace dans la lutte contre le piétin échaudage, une maladie qui affecte souvent les cultures de blé. En semant de l'avoine entre deux cultures de blé, les agriculteurs peuvent réduire la pression de cette maladie sur leurs parcelles. Cette stratégie contribue à maintenir la santé des cultures de blé et à prévenir les pertes de rendement.
Contrôle des adventices : l'intégration de l'avoine de printemps dans une rotation de cultures, en particulier en association avec le tournesol, peut aider à réduire le stock de semences de l'Orobanche Cumana. L'Orobanche Cumana est une plante parasite qui peut causer des dommages aux cultures de tournesol. L'avoine de printemps, en tant que culture associée, peut contribuer à limiter la propagation de cette plante nuisible.
Amélioration de la rotation des cultures : L'avoine de printemps offre aux agriculteurs une option supplémentaire pour diversifier leurs rotations de cultures. Une rotation bien planifiée peut améliorer la santé des sols, réduire la pression des ravageurs et des maladies, et optimiser les rendements sur le long terme.
Cependant, il convient de noter que l'avoine de printemps ne dispose généralement pas d'homologation de désherbage chimique pour lutter contre les graminées. Par conséquent, il est déconseillé d'implanter de l'avoine de printemps dans une parcelle déjà infestée par des graminées. Une planification appropriée de la rotation des cultures peut aider à minimiser les problèmes liés aux adventices.
Utilisation de l'avoine de printemps en couvert végétal
L'avoine de printemps se révèle être un choix judicieux pour la mise en place de couverts végétaux, offrant divers avantages pour les agriculteurs. Voici comment elle peut être utilisée dans cette optique:
Période de semis : les agriculteurs peuvent semer de l'avoine de printemps comme couvert végétal entre les mois de juin et d'août. Cette période est propice à la croissance rapide de l'avoine, ce qui permet de maximiser sa biomasse.
Piégeage de nitrates : l'avoine de printemps a la capacité d'absorber efficacement les nitrates présents dans le sol. Cela contribue à réduire la lixiviation des nitrates dans les nappes phréatiques, ce qui est bénéfique pour l'environnement en réduisant la pollution de l'eau.
Coût maîtrisé : elle est une option économique pour la mise en place de couverts végétaux. Elle offre un excellent rapport coût-efficacité, ce qui est important pour les agriculteurs souhaitant adopter des pratiques agricoles durables tout en gérant leurs dépenses.
Biomasse comparable : malgré des différences dans l'architecture des plantes par rapport aux avoines d'hiver, l'avoine de printemps est capable de produire une biomasse comparable en tant que couvert végétal. Cette biomasse peut être utilisée à diverses fins.
Associations possibles : elle peut être semée en association avec d'autres céréales ou des légumineuses pour former un couvert végétal diversifié. Par exemple, un mélange d'avoine de printemps, de trèfle d'Alexandrie et de vesce de printemps peut être particulièrement intéressant. Ce type de mélange peut être valorisé en tant que pâturage, ce qui peut avoir des avantages pour l'alimentation animale.
L’utilisation de l'avoine de printemps en tant que couvert végétal présente des avantages significatifs, notamment la réduction de la lixiviation des nitrates, un coût maîtrisé, une biomasse comparable à d'autres cultures de couverture, et la possibilité de créer des associations diversifiées. Les agriculteurs peuvent intégrer cette pratique dans leurs systèmes agricoles pour améliorer la santé des sols et contribuer à des pratiques agricoles plus durables.